La création d’une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) sans exercer immédiatement une activité commerciale suscite de nombreuses interrogations chez les entrepreneurs. Cette démarche, bien que légalement encadrée, répond à des besoins stratégiques spécifiques : anticipation d’un projet, nécessité d’obtenir un extrait Kbis pour des démarches administratives, ou encore préparation d’une reprise d’entreprise. La législation française autorise effectivement cette pratique sous certaines conditions strictes, notamment un délai maximal de deux mois pour déclarer une activité effective.
Cette flexibilité juridique permet aux porteurs de projet de structurer leur société en amont, tout en respectant les obligations légales inhérentes au statut de SASU. La société dormante devient alors un outil stratégique pour sécuriser une démarche entrepreneuriale, à condition de maîtriser parfaitement les implications comptables, fiscales et administratives qui en découlent.
Cadre juridique de la SASU dormante selon le code de commerce
Le Code de commerce français reconnaît explicitement la possibilité de créer une société sans activité immédiate. Cette reconnaissance légale s’inscrit dans une logique pragmatique, permettant aux entrepreneurs d’anticiper leurs projets tout en respectant un cadre réglementaire strict. Les dispositions légales encadrent précisément les modalités de création, les obligations déclaratives et les délais à respecter pour maintenir la validité juridique de la structure.
Article L223-1 et obligations légales de déclaration d’activité
L’article L223-1 du Code de commerce définit les conditions de constitution des sociétés à responsabilité limitée, principes qui s’appliquent également aux SASU par analogie. Selon cette disposition, une société peut être constituée sans exercer immédiatement son objet social, sous réserve de respecter un délai impératif de deux mois maximum pour déclarer sa prise d’activité. Cette période transitoire permet aux entrepreneurs de finaliser les démarches préalables nécessaires au lancement effectif de leur projet.
La déclaration de prise d’activité s’effectue obligatoirement auprès du Centre de Formalités des Entreprises (CFE) compétent, via le formulaire Cerfa M2. Cette formalité administrative conditionne la poursuite légale de l’existence de la société et évite les risques de radiation d’office pour défaut d’activité déclarée.
Distinction entre société sans activité et société fictive
La jurisprudence établit une distinction fondamentale entre une société temporairement inactive et une société fictive. Une SASU sans activité reste une entité juridique légitime, dotée d’un projet économique réel mais différé dans le temps. À l’inverse, une société fictive se caractérise par l’absence totale de projet entrepreneurial, créée uniquement dans un but de contournement fiscal ou réglementaire.
Cette distinction revêt une importance cruciale car elle détermine la licéité de la démarche. Les tribunaux analysent systématiquement l’intentionnalité des associés, la réalité du projet économique envisagé et la cohérence des moyens mis en œuvre. La société dormante légitime doit pouvoir justifier de son projet futur par des éléments tangibles : étude de marché, recherche de financement, négociation d’un bail commercial ou acquisition d’un fonds de commerce.
Jurisprudence cour de cassation sur les SASU inactives
La Cour de cassation a précisé à plusieurs reprises les conditions de validité des sociétés temporairement inactives. Dans un arrêt de référence, la Haute juridiction a confirmé que l’absence temporaire d’activité ne remet pas en cause la validité de la société, dès lors que celle-ci poursuit un objet social réel et dispose d’une organisation effective.
Cette jurisprudence établit trois critères cumulatifs de validation : l’existence d’un projet économique sérieux, la mise en place d’une organisation minimale (nomination d’un président, tenue d’une comptabilité), et le respect des délais légaux de déclaration d’activité. Les juges examinent également la proportionnalité entre les moyens engagés et l’ampleur du projet envisagé.
Position de l’URSSAF face aux sociétés dormantes
L’URSSAF adopte une approche pragmatique concernant les SASU sans activité, reconnaissant la légitimité de cette situation transitoire. Cependant, l’organisme social reste vigilant quant au respect des obligations déclaratives et au caractère temporaire de l’inactivité. Les contrôles portent principalement sur la cohérence entre les déclarations effectuées et la réalité de la situation de l’entreprise.
En cas d’inactivité prolongée au-delà des délais légaux, l’URSSAF peut remettre en question le caractère réel du projet et procéder à des redressements. La vigilance administrative s’intensifie particulièrement lorsque la société demeure inactive pendant plusieurs exercices consécutifs sans justification valable.
Procédure de création d’une SASU sans projet opérationnel immédiat
La création d’une SASU dormante suit la procédure classique d’immatriculation, avec quelques spécificités liées à l’absence d’activité immédiate. Cette démarche nécessite une attention particulière dans la rédaction des documents constitutifs et le respect des formalités déclaratives. L’entrepreneur doit anticiper les évolutions futures de sa société tout en maintenant une structure juridiquement cohérente pendant la phase d’inactivité.
Rédaction des statuts avec objet social généraliste
Les statuts d’une SASU dormante doivent définir un objet social suffisamment large pour englober les activités futures envisagées. Cette approche évite les modifications statutaires ultérieures, coûteuses en temps et en frais de greffe. L’objet social doit rester cohérent et précis, sans être excessivement restrictif ni trop vague au point de perdre sa substance juridique.
La formulation type pourrait inclure des activités complémentaires telles que « le conseil en stratégie d’entreprise, la prise de participations, et plus généralement toutes opérations commerciales, financières ou immobilières se rapportant à l’objet social ». Cette rédaction anticipative offre une flexibilité opérationnelle tout en respectant les exigences légales de détermination de l’objet social.
Dépôt de capital social minimum de 1 euro chez un dépositaire agréé
Le capital social d’une SASU peut être fixé symboliquement à 1 euro, montant suffisant pour valider la création juridique de la société. Ce montant minimal présente l’avantage de réduire les coûts de constitution tout en conservant la possibilité d’augmentation ultérieure du capital lors de la phase active. Le dépôt s’effectue obligatoirement chez un dépositaire agréé : banque, notaire ou Caisse des dépôts et consignations.
L’attestation de dépôt des fonds constitue une pièce essentielle du dossier d’immatriculation. Cette démarche administrative valide la réalité de la constitution du capital social et permet l’obtention du récépissé nécessaire aux formalités ultérieures d’immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés.
Déclaration au registre du commerce et des sociétés (RCS)
L’immatriculation au RCS s’effectue via le dépôt d’un dossier complet auprès du greffe du tribunal de commerce territorialement compétent. Pour une SASU sans activité, le formulaire M0 doit être complété en cochant spécifiquement la case « société constituée sans exercer d’activité ». Cette mention particulière signale aux autorités administratives la situation temporaire de la société.
Le dossier d’immatriculation comprend les statuts signés, l’attestation de dépôt des fonds, l’attestation de parution d’annonce légale, et les justificatifs d’identité et de domiciliation du président. Les frais de greffe pour une société sans activité s’élèvent à environ 65 euros, soit un surcoût par rapport à une immatriculation avec activité immédiate.
Immatriculation SIREN et code APE par l’INSEE
L’INSEE attribue automatiquement un numéro SIREN lors de l’immatriculation au RCS, ainsi qu’un code APE correspondant à l’activité principale déclarée dans les statuts. Pour une société dormante, ce code reste provisoire et pourra être modifié lors de la déclaration effective d’activité. Cette attribution automatique permet à la SASU d’obtenir son identité administrative complète dès sa création.
Le numéro SIREN reste définitif pendant toute la durée de vie de la société, contrairement au code APE qui évolue selon les activités réellement exercées. Cette stabilité administrative facilite les démarches ultérieures, notamment l’ouverture de comptes bancaires professionnels et les relations avec les administrations.
Formalités CFE et déclaration de début d’activité
Bien que créée sans activité, la SASU doit respecter le délai de deux mois pour déclarer sa prise d’activité effective auprès du CFE compétent. Cette déclaration s’effectue via le formulaire M2, accompagné des justificatifs relatifs à l’activité envisagée : bail commercial, contrat de location-gérance, ou autorisation administrative selon le secteur d’activité.
Les frais de déclaration de prise d’activité s’élèvent généralement entre 60 et 180 euros selon la nature de l’activité déclarée. Cette formalité déclenche l’activation des obligations fiscales et sociales de la société, marquant le passage du statut dormant au statut actif.
Obligations comptables et fiscales d’une SASU dormante
Une SASU sans activité demeure soumise à des obligations comptables et fiscales spécifiques, bien qu’allégées par rapport à une société en activité. Ces obligations visent à maintenir la transparence administrative et à préserver les droits des tiers, créanciers et partenaires potentiels. Le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions administratives et remettre en cause la validité juridique de la société.
Tenue de la comptabilité selon le plan comptable général (PCG)
Même inactive, une SASU doit tenir une comptabilité conforme au Plan comptable général. Cette comptabilité se limite généralement à l’enregistrement des opérations de constitution (apports en capital, frais de création) et aux éventuelles opérations courantes (frais bancaires, honoraires de conseil). L’absence d’activité commerciale simplifie considérablement cette tenue comptable, mais n’en dispense pas totalement.
Les livres comptables obligatoires (livre-journal, grand livre, livre d’inventaire) doivent être tenus et conservés selon les règles légales. Cette exigence comptable garantit la traçabilité des opérations et permet un contrôle ultérieur par les autorités compétentes ou les commissaires aux comptes si leur nomination devient obligatoire.
Dépôt annuel des comptes au greffe du tribunal de commerce
L’obligation de dépôt annuel des comptes au greffe du tribunal de commerce s’applique intégralement aux SASU dormantes. Cette formalité doit être accomplie dans les six mois suivant la clôture de l’exercice social, sous peine d’amende et d’inscription au fichier des incidents de paiement. Les comptes déposés comprennent le bilan, le compte de résultat et l’annexe, même si ces documents demeurent très simplifiés en l’absence d’activité.
Le coût du dépôt des comptes varie selon la taille de la société et les modalités de dépôt (papier ou électronique). Cette obligation administrative maintient la transparence financière de la société et permet aux tiers intéressés d’accéder aux informations comptables de base.
Déclaration de résultat fiscal IS ou IR selon l’option
Une SASU dormante reste soumise à l’obligation de déclaration fiscale annuelle, que ce soit au régime de l’impôt sur les sociétés (IS) par défaut ou à l’impôt sur le revenu (IR) en cas d’option. Cette déclaration mentionne généralement un résultat nul ou déficitaire, correspondant aux seuls frais de fonctionnement sans chiffre d’affaires compensateur.
L’absence d’activité génératrice de revenus n’exonère pas de cette obligation déclarative. Les éventuels déficits constatés (frais de création, charges de fonctionnement) peuvent être reportés sur les exercices ultérieurs actifs, constituant un avantage fiscal non négligeable lors de la montée en puissance de l’activité.
TVA et dispense de déclaration pour absence de chiffre d’affaires
En l’absence de chiffre d’affaires, une SASU dormante bénéficie automatiquement d’une dispense de déclaration de TVA. Cette situation particulière évite les formalités déclaratives mensuelles ou trimestrielles habituelles, mais impose une vigilance lors de la reprise d’activité. La première opération imposable déclenchera l’obligation de déclaration et pourra nécessiter une demande d’immatriculation à la TVA.
Cette simplification administrative allège significativement les obligations de la société dormante, tout en préservant la possibilité de récupération ultérieure de la TVA sur les investissements réalisés lors de la phase de démarrage effectif de l’activité.
Coûts récurrents et charges obligatoires d’une SASU inactive
Maintenir une SASU sans activité génère des coûts incompressibles qu’il convient d’évaluer précisément avant la création. Ces charges récurrentes peuvent rapidement devenir problématiques si la période d’inactivité se prolonge au-delà des prévisions initiales. Une estimation réaliste de ces coûts permet de prendre une décision éclairée entre création immédiate et report du projet entrepreneurial.
Les principaux postes de charges comprennent les frais bancaires (entre 15 et 30 euros mensuels pour un compte professionnel), les honoraires comptables (généralement entre 150 et 300 euros annuels pour une comptabilité simplifiée), et les frais administratifs divers (dépôt des comptes, éventuelles modifications statutaires). À ces coûts directs s’ajoutent les charges soc
iales minimales pour le dirigeant social, même non rémunéré, qui peuvent représenter environ 45 euros par trimestre selon les tranches applicables.
La cotisation foncière des entreprises (CFE) constitue également une charge incontournable, dont le montant varie selon la commune d’implantation et la surface des locaux professionnels. Cette taxe locale peut osciller entre 200 et 2000 euros annuels selon les collectivités territoriales. Cette charge fiscale s’applique dès la deuxième année d’existence de la société, la première année bénéficiant généralement d’une exonération.
Les frais de domiciliation commerciale représentent un autre poste significatif, particulièrement si la SASU ne peut utiliser le domicile personnel du dirigeant comme siège social. Ces prestations varient entre 20 et 80 euros mensuels selon les services inclus et la localisation géographique. L’ensemble de ces charges récurrentes peut rapidement atteindre 1500 à 3000 euros annuels pour une société totalement inactive.
Stratégies de réactivation et mise en sommeil officielle
La transition d’une SASU dormante vers une activité effective nécessite une planification rigoureuse et le respect de procédures administratives précises. Cette phase de réactivation peut s’accompagner d’une mise en sommeil officielle si les délais initiaux de deux mois s’avèrent insuffisants pour concrétiser le projet entrepreneurial. Les dirigeants disposent de plusieurs options stratégiques pour optimiser cette transition selon leur calendrier et leurs contraintes opérationnelles.
La mise en sommeil officielle permet de prolonger légalement la période d’inactivité jusqu’à deux années supplémentaires. Cette procédure s’effectue via une déclaration au greffe du tribunal de commerce, accompagnée d’une décision de l’associé unique consignée dans un procès-verbal. Cette formalité administrative suspend temporairement certaines obligations tout en préservant l’existence juridique de la société et ses droits acquis.
Lors de la réactivation effective, plusieurs démarches simultanées doivent être accomplies : déclaration de reprise d’activité auprès du CFE, mise à jour du code APE si nécessaire, souscription d’assurances professionnelles obligatoires, et activation des obligations sociales et fiscales. Cette coordination administrative détermine la fluidité de la montée en puissance opérationnelle et évite les ruptures de continuité juridique.
La stratégie de réactivation doit également anticiper les besoins en financement de la phase de démarrage. Les établissements financiers évaluent favorablement l’antériorité juridique d’une société, même dormante, ce qui peut faciliter l’obtention de crédits professionnels. Cette ancienneté administrative constitue un avantage concurrentiel non négligeable dans les négociations bancaires et les relations avec les partenaires commerciaux.
Alternatives juridiques à la SASU sans activité immédiate
Plusieurs alternatives juridiques permettent d’atteindre des objectifs similaires à la création d’une SASU dormante, chacune présentant des avantages et inconvénients spécifiques selon les circonstances du projet. L’analyse comparative de ces options guide le choix optimal en fonction des contraintes temporelles, financières et opérationnelles de l’entrepreneur. Ces alternatives méritent une évaluation approfondie avant de s’engager dans la voie de la société inactive.
L’auto-entreprise représente une option intéressante pour tester un marché ou valider un concept avant de créer une structure plus complexe. Ce régime simplifié évite les coûts fixes d’une société tout en permettant une facturation immédiate dès l’obtention de premiers contrats. La transition ultérieure vers une SASU reste possible selon des modalités fiscales et sociales avantageuses, préservant la continuité du développement commercial.
La société civile professionnelle (SCP) ou la société civile immobilière (SCI) peuvent constituer des alternatives pertinentes selon la nature de l’activité envisagée. Ces structures civiles offrent une flexibilité comparable à la SASU tout en bénéficiant d’un régime fiscal transparent et de coûts de fonctionnement généralement inférieurs. Cette approche alternative convient particulièrement aux activités de conseil, de gestion patrimoniale ou d’investissement immobilier.
Le portage salarial constitue une solution transitoire permettant de tester une activité commerciale sans créer immédiatement de structure juridique dédiée. Cette formule offre une protection sociale complète tout en préservant l’autonomie entrepreneuriale, facilitant l’évaluation de la viabilité du projet avant l’engagement dans une création de société. Les revenus générés peuvent ainsi constituer un apport personnel pour la future SASU.
La holding familiale ou patrimoniale représente une alternative sophistiquée pour les projets d’envergure impliquant plusieurs activités ou investissements. Cette structure permet de centraliser la gouvernance tout en filialisant les risques opérationnels, offrant une flexibilité stratégique supérieure à la SASU unique. Cette option convient particulièrement aux entrepreneurs expérimentés disposant d’un patrimoine conséquent et de projets diversifiés.